Billets du monde

  Les billets coloniaux français

La France émit un grand nombre de billets dans ses colonies. Les illustrations qui les ornaient sont le reflet des rapports établis entre le pouvoir métropolitain et les colonies. Au XXe siècle, on y vit figurer aussi des thèmes propres aux pays concernés.

Ce sont les commerçants et les colons qui introduisirent les premiers numéraires européens dans les dépendances françaises d'outre-mer. Bien que quelques pays colonisés aient parfois émis leur propre papier-monnaie quand les numéraires venaient à manquer, la plupart des pouvoirs coloniaux y fondèrent des banques dont les propriétaires se trouvaient en métropole, ou bien ils nommaient des fonctionnaires à qui ils confiaient la charge de l'émission de la monnaie.

 

PLUS RAPIDEMENT QU'EN FRANCE

L'expansion coloniale de la France se fit en deux étapes. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la France possédait des territoires au Canada, dans les îles des Indes occidentales, en Inde orientale et dans les îles de l'océan Indien. À cette époque, la diffusion du papier-monnaie en était encore à ses débuts, en Europe également. Cependant, certains territoires français d'outre-mer n'hésitèrent pas à se lancer dans des expérimentations avec ce nouveau moyen de paiement. En 1655, au Canada, dans la garnison française de Québec, comme la réserve de pièces avait fortement diminué, le commandant paya ses hommes avec des cartes à jouer.
Les premiers billets français furent destinés à l'île Maurice et à l'île de la Réunion. Émis en livres turnois, ils furent mis en circulation en 1760, alors que la France même ne possédait pas encore ses propres billets, et restèrent en circulation plus de vingt ans.

 

LA SECONDE PHASE DE LA COLONISATION

La seconde phase de la politique expansionniste de la France se situe dans la seconde moitié du XIXe siècle, quand le pays colonisa des régions du Pacifique, de l'Afrique du Nord, de l'Afrique occidentale et australe et d'Indochine. Dans ces nouveaux territoires, on introduisit également sans retard le papier-monnaie. À l'exception de quelques banques régionales, l'émission de la monnaie fut confiée à un pouvoir central s'occupant de plusieurs pays. C'est pourquoi les billets de pays souvent fort éloignés les uns des autres se ressemblaient beaucoup, se distinguant par un petit détail. Les billets de la Banque de l'Indochine, qui émit du papier-monnaie de 1875 jusqu'aux années cinquante, étaient utilisés dans les colonies du Pacifique, de Tahiti et de la Nouvelle-Calédonie, à Pondichéry, dans le sud de l'Inde, sur la Côte française des Somalis, à Djibouti, dans les Nouvelles-Hébrides et en Indochine.
Il arrivait souvent que le même billet serve pour différentes monnaies. Le portrait de Vasco de Gama, accompagné d'une illustration représentant un homme et un bateau, par exemple, se retrouvait sur le billet calédonien de 500 francs et sur celui de 20 piastres indochinois.

 

FIGURES FÉMININES SYMBOLIQUES

Sur les billets coloniaux des années trente à cinquante du XIXe siècle, on retrouve certains thèmes récurrents, comme celui des figures symboliques de la France. Une allégorie protectrice, représentée dans le style classique de l'époque, illustre la mère-patrie ; les femmes indigènes, elles, représentent les colonies.
Un message politique important que les billets devaient véhiculer était celui du rapport harmonieux régnant entre les différentes cultures. Un exemple frappant en est donné par un billet émis dans la partie française de l'Afrique de l'Ouest, en 1940 : on y voit une représentation féminine de pur style classique (la France) posant une main protectrice sur l'épaulé d'une Africaine portant un bébé dans ses bras. L'enfant a attrapé l'autre main de la femme et leurs doigts blancs et noirs sont entremêlés.

 

DES AVANTAGES ÉCONOMIQUES

D'autres billets montrent quels avantages économiques la France tirait de ses colonies. Les billets des îles du Pacifique émis par la Banque de l'Indochine montrent des femmes et des enfants souriants sur un marché.
Quant à la bonne conscience coloniale française, elle est représentée sur un billet algérien de 1944 : on y voit un jeune garçon offrir des fruits à un Français en uniforme. Celui-ci porte une épée et un plastron de protection et tient un livre ouvert à la main. Le message est clair : des produits agricoles s'échangent contre la culture.
Parfois, les thèmes illustrés prenaient en considération les particularités régionales et culturelles des différents pays, même s'ils étaient émis par la même banque. On distingue ainsi aisément la fillette polynésienne, sur les billets destinés au Pacifique, de la paysanne indochinoise cultivant le riz, sur les billets d'Indochine.
La Banque de l'Afrique occidentale fit de grands efforts pour les portraits de femmes indigènes sur les billets destinés aux colonies françaises d'Afrique de l'Ouest. Les sculptures traditionnelles, les paysages et les illustrations animalières étaient des thèmes typiques que l'on retrouvait sur les billets africains, alors que les billets indochinois présentaient plutôt des statues bouddhiques.

 

L'ÉVEIL DU SENTIMENT NATIONAL

À partir de la seconde moitié du XXe siècle, la France renonça à illustrer ses billets de thèmes européens et utilisa des thèmes locaux, afin de donner aux différents pays un sentiment accru d'autonomie. Un billet imprimé en 1955 pour le Cambodge, le Laos et le Vietnam illustre parfaitement cette nouvelle tendance. On y voyait à la fois des éléments d'architecture, un buffle, des danseurs et une femme à l'élégance moderne.
Lorsque, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les troubles indépendantistes commencèrent dans les colonies, l'attitude de la France dut se modifier à l'égard de ses territoires. La Mauritanie se proclama République islamique en 1958 et remplaça le franc par l'ouguiya. Alors que ce même pays décidait, en 1974, de renoncer au français au profit de l'arabe sur ses billets, d'autres, tels les territoires d'outre-mer, restèrent liés à la France. Leurs billets, en francs, sont toujours émis par les autorités centrales, comme l'Institut d'émission d'outre-mer pour les îles françaises du Pacifique. En Afrique, c'est la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest qui est chargée des émissions pour les États membres de la Communauté financière africaine (CFA).
Si la langue française et l'utilisation du franc comme monnaie sont des vestiges du passé colonial, les billets modernes des anciennes colonies montrent le sentiment national d'indépendance. Le Gabon, par exemple, État d'Afrique centrale, illustre ses billets de sculptures typiques du pays et d'avions. Ce mélange régulier de thèmes, exemples de culture traditionnelle et de développements techniques modernes, est typique pour les billets de nombreux jeunes États d'Afrique et d'Asie.

 

(c) Éditions Atlas




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